« VIENS ET SUIS-MOI » Cette invitation de Jésus doit être à l’origine de toute vie religieuse et sacerdotale. Cependant, rares, très rares sont ceux et celles qui l’ont entendue instantanément, qui ont entendu une voix précise, pressante, de suivre. L’invitation que nous lance Jésus est habituellement bien plus discrète et se réalise à travers de petits événements qui éclairent, suggèrent, indiquent, mais sans forcer le choix, parmi plusieurs, qui s’offre à nous.
Ce sont peut-être ces suggestions d’une vieille tante qui me disait, alors que j’étais très jeune, « toi, tu pourrais être un prêtre plus tard ». A 9-10 ans, on n’a pas tendance à prendre cela trop sérieusement. Il est bien vrai que nous admirions le curé, une admiration de respect et de reconnaissance parce qu’il était un homme donné à Dieu et à sa paroisse. Il était seul, pas de femme, pas de famille. C’était pour le moins intriguant, un peu effrayant aussi. Moi, comme ça, plus tard? Allez donc voir. Pas possible!
Et les années passent. À treize ans, ce devait être, sans que j’en sois conscient, un peu ma crise d’indépendance qui s’amorçait. Je demande à mes parents d’aller au collège pour y faire mon secondaire, 8e année à la 12e. Ainsi, en 1953, j’entre à l’Université St-Joseph qui avait ce programme pour des jeunes de mon âge. Il faut dire que certains étudiants avaient été envoyés dans le programme pension-école contre leur gré par des parents qui voulaient, pour ne pas dire « se débarrasser », confier aux « bons pères » leur garçon à caractère difficile. Moi, comme bien d’autres heureusement, j’y étais parce que je le voulais. Et ce furent de très bonnes années, riches en apprentissage, en relations sociales, en développement, une période de découverte (pas toujours consciente) de moi-même, et tout et tout. Le programme, dans son évolution, offrait vers les dernières années une formation post-secondaire, donc du niveau universitaire. J’entrevoyais continuer à Saint-Joseph pour y obtenir le baccalauréat. C’était déjà évident, qu’un diplôme de secondaire ne suffirait pas dans le genre d’avenir qui s’annonçait.
Et, à Saint-Joseph, j’ai connu des religieux de Sainte-Croix, exemplaires, dévoués envers les étudiants, joyeux dans leur vie de consacrés. Ayant, déjà assez jeune, le goût d’aider quelqu’un à comprendre et à apprendre du nouveau, bref le goût d’enseigner. C’était en moi! Et tiens, l’idée me venait de temps à autre, pourquoi pas devenir membre de Sainte-Croix, être religieux enseignant. C’est ainsi que l’appel du « VIENS ET SUIS-MOI » a commencé à germer et à résonner en moi.
En 1958, à la fin de la Rhétorique (correspond à la 2e année d’université aujourd’hui), j’entre au noviciat, le tout nouveau noviciat de la Province acadienne de Sainte-Croix. Pour moi, ce fut une année plutôt longue avec un régime assez aride, je ne le cache pas. Le noviciat nous fait ou nous casse, comme on dit. Après la première profession en août 1959, il fallait terminer les deux années de philosophie, soit les deux dernières années pour l’obtention du Baccalauréat ès arts. Cette période se passa au Séminaire Moreau, Collège Saint-Laurent pour le B. A. de l’Université de Montréal. Et, en 1961, un confrère, Emery Brien et moi-même recevons l’offre de pouvoir entreprendre la théologie à Rome. Une offre qui ne pouvait pas se refuser, évidemment, mais un éloignement de la famille et du pays pendant quatre ans.
Ordonné en décembre 1964, et retour à Saint-Joseph de Memramcook en juillet 1965, on me demande d’enseigner des cours de religion et de chimie. Heureusement que durant le programme du B.A., j’avais choisi une concentration sciences. Cela m’a grandement servi, malgré que j’étais un peu rouillé en la matière. Mais, justement, voilà qu’en 1966, la fermeture du collège à Saint-Joseph est annoncée. C’est alors que je m’oriente vers la formation en Sciences à la toute nouvelle Université de Moncton une prolongation en quelque sorte de l’Université Saint-Joseph qui avait tout transféré ses programmes à Moncton et devenait, en 1963, l’université de ce nom.
À la fin et durant la fin de mes études à Moncton, le hasard a voulu qu’on me demande de remplacer un prof dut partir suite à la maladie. Le pied dans la porte, j’ai pu devenir prof au département de chimie et biochimie de la Faculté des sciences et de génie à l’époque. J’y suis resté 31 ans, années qui se sont vite passées et où j’ai bien aimé travailler avec les jeunes. Cela me rajeunissait et c’était toujours impressionnant de voir leur évolution durant les quatre années du programme de baccalauréat.
Mais en même temps, j’ai eu l’occasion de servir comme aumônier chez les religieuses Notre Dame du Sacré-Cœur à Moncton, d’aider comme remplaçant dominical dans diverses paroisses et aussi d’être aumônier de la communauté italienne de Moncton. Ceci me permit d’améliorer le peu d’italien que j’avais appris lors de ma théologie à Rome (1961-65). Et tout cela m’a maintenu en contact avec le service pastoral, à la différence des obligations purement académiques. Dieu merci, je crois que tout ceci m’a grandement aidé dans la persévérance en tant que prêtre de Sainte-Croix.
Dieu a des plans pour nous.
À ma retraite de l’université, le supérieur général met la main sur moi et m’appelle à Rome au service de la Maison générale en 2001. Ce devait être pour une période de 3 ans, et voilà que ces 3 ans se poursuivent. Je suis à Rome maintenant dans ma 19e année, bientôt 20 ans.
Dieu a été BON pour moi, je lui dois tout et je ne peux assez le remercier pour le « Viens et suis-moi » qu’il m’a lancé, discrètement, oui, mais assez concrètement pour que je réponde avec toute mon imperfection. Lui, Il a fait et continue à faire le reste. Qu’IL soit béni.
Père Paul LeBlanc, c.s.c.