BIENHEUREUX BASILE MOREAU - Congrégation de Sainte-Croix au Canada

Basile Moreau, le fondateur de Sainte-Croix (1799-1873)

Le fondateur de la communauté Sainte-Croix, le père Basile Moreau, a puisé les inspirations dans les courants spirituels de son temps, pour faire de ses religieux et religieuses des personnes totalement formées pour la mission. Il considérait que l’instrument le plus puissant à utiliser pour l’évangélisation, c’est celui de l’unité : l’unité en soi et l’unité entre les personnes. C’est pourquoi, il comparait Sainte-Croix, les frères, les pères et les sœurs, à la Sainte Famille et à la famille de Dieu, la Trinité. Pour arriver à cette unité, le père Moreau proposait de suivre le conseil de saint Paul et de “revêtir le Christ” i.e. développer les mêmes sentiments et les mêmes attitudes que Jésus afin de devenir une personne nouvelle recréée dans l’Esprit. Saint Paul aime illustrer la “vie dans le Christ” par le symbolisme du vêtement. À travers la Bible, être revêtu signifie recevoir une vocation, un don, une fonction, une mission…IL n’est donc pas étonnant que Paul fasse aussi à la symbolique du vêtement pour mettre en lumière notre union au Christ. En vous couvrant du vêtement de l’autre, vous vous appropriez en quelques sortes sa personne.

De là, le symbolisme de la robe baptismale qui veut exprimer l’union au Christ s’accomplissant dans le baptême. Paul emploie fréquemment l’expression “se revêtir du Christ s’accomplissant dans le baptême. Il est clair que, dans ses lettres, Paul distingue un double mouvement :il y a d’une part l’initiative et l’innovation de Dieu et, d’autre part la réponse effective de l’homme. Au baptême, on est revêtu du Christ. On le reçoit le vêtement mais c’est une invitation à se revêtir activement du Christ. On reçoit le vêtement mais c’est aussi une invitation à se revêtir activement du Christ. Ainsi Paul écrit aux Galates: “Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ.”

Basile Moreau, un homme du XIXème siècle

Une époque troublée : la France a du mal à se remettre des bouleversements de la Révolution.Les régimes politiques se bousculent : l’enfance de Basile Moreau s’écoule sous le Consulat et l’Empire; sa jeunesse sous la Restauration; sa vie active sous la Monarchie de Juillet, la 2de République et le 2d Empire et il meurt sous la 3ème République ! Par tradition, comme la plupart des catholiques de l’époque, le Père Moreau est légitimiste (partisan des Bourbons). Mais, quel que soit le pouvoir en place, il n’hésite jamais à intervenir auprès des élus et des autorités, des préfets et des ministres, pour faire valoir ses droits, pour défendre ses écoles, son collège ! Et il le fait avec une vivacité, une ténacité étonnantes. Un préfet de la Sarthe écrit un jour au Ministre de l’Instruction Publique que l’abbé Moreau est le genre d’homme qui, si on le met à la porte, revient aussitôt par la fenêtre !

50 de sa vie au Mans

Le Mans qui passe de 17000 à 60000 habitants, qui se dote de nouvelles industries (surtout après l’arrivée du chemin de fer en 1854). Le Père Moreau n’est pas étranger à la vie des Manceaux.

Quelques exemples pris dans les années 1840, la période de la fondation de sa famille religieuse. En 1846, quand la Sarthe est en crue, on le voit aller lui-même en barque porter secours aux victimes des inondations. En 1849, lors de l’épidémie de choléra il offre à la municipalité les services de la communauté. Il est attentif aux plus démunis : en 1844, il crée une Conférence S.Vincent de Paul dans l’Institution Sainte-Croix, la première en France (Frédéric Ozanam était son ami). Attentif aussi au sort des ouvriers qu’il fait travailler sur ses chantiers, il préside des banquets où l’on chante la Fraternité. En 1848, quelques exaltés veulent mettre le feu à Sainte-Croix, sous le faux prétexte qu’en y fabriquant de la toile on enlève aux tisserands le pain de la bouche : le Père Moreau leur fait ouvrir la porte, et leur adressant un discours bien senti, il les fait renoncer à leur projet, il les décide même à prendre l’établissement sous leur garde ! Et l’on voit ensuite la musique du collège, en grand uniforme, marcher en tête des défilés et exécuter des airs républicains lors de la plantation de l’arbre de la Liberté sur la promenade des Jacobins.

Basile Moreau, un prêtre du XIXème siècle

Prêtre dans une Eglise différente de celle d’aujourd’hui ! Sous le régime du Concordat, les évêquessont nommés par le pouvoir civil, et chaque évêque gouverne son diocèse en maître absolu (il n’y a ni comités de pastorale, ni conférences épiscopales). Au début de son ministère, l’abbé Moreau est professeur au séminaire : tout va bien ou à peu près ! Mais quand il veut s’ouvrir à d’autres perspectives, quand il s’engage dans l’enseignement à tous les niveaux, et dans la mission universelle… il lui faut composer (c’est un euphémisme ! ) avec l’évêque en place, en l’occurrence Mgr Bouvier… On en reparlera.

4 périodes dans la vie de Basile Moreau

1. Le jeune Basile   (1799-1823)

Né à Laigné-en-Belin , Basile est le 9ème enfant d’une famille qui en comptera 14. Une famille paysanne, une famille unie, au sein de laquelle il apprend le sens du devoir et du travail, une famille qui lui transmet une foi solide et courageuse. (Ses parents ont tenu à le faire baptiser par un prêtre “catholique”, i.e. réfractaire) …

Le Père Moreau gardera toujours ses attaches paysannes : Le journaliste Louis Veuillot qui le rencontrera en 1848 verra en lui un prêtre paysan, parlant avec un fort accent sarthois , tout en ajoutant ce qui n’est pas contradictoire :c’est un homme supérieur et un saint.

Le curé de Laigné, qui avait ouvert une petite école dans son presbytère, a vite remarqué l’intelligence, l’entrain, la piété du petit Basile. Il réussit à convaincre son père de l’envoyer au petit séminaire de Château-Gontier (la Mayenne faisait alors partie du diocèse du Mans), et c’est à pied que Louis Moreau et son fils de 15 ans font les 80 km qui séparent Laigné de Chateau-Gontier.

Trois années à Chateau-Gontier (pendant lesquelles il reçoit la tonsure et la soutane !), quatre années dans les Séminaires du Mans, et le 12 août 1821, Basile est ordonné prêtre, dans l’église de la Visitation (place de la République). Il n’a que 22 ans ! Il voudrait partir vers les Missions Etrangères, mais l’évêque, Mgr de la Myre, qui veut faire de lui un  professeur de séminaire, l’envoie compléter sa formation théologique et spirituelle auprès des Sulpiciens. Ces deux années chez les Sulpiciens, à Paris et à Issy-les-Moulineaux, le marquent profondément. Il s’imprègne de la spiritualité de l’Ecole Française (celle de S.Vincent de Paul, de S.Jean Eudes, de M.Olier, et autres). .. Et le sulpicien Monsieur Mollevaut son directeur spirituel, avec qui il restera longtemps en relation, s’emploie à calmer le zèle de ce jeune prêtre jugé un peu impulsif.

2. Le Prêtre diocésain   (1821-1836)

Revenu au Mans en 1823, Basile Moreau enseigne dans les Séminaires du diocèse, d’abord la philosophie à Tessé , puis la théologie et l’Ecriture sainte à Saint-Vincent : 13 années au total.. Sur son enseignement proprement dit nous avons peu d’informations. Mais nous savons qu’il ne s’accommode guère de la routine. Comme beaucoup de jeunes prêtres de l’époque, il s’ouvre aux idées libérales de Lamennais (qu’il rejettera quand Rome les condamnera). Il se démarque surtout des tendances gallicanes qui étaient celles de beaucoup d’évêques et de prêtres, en particulier celles du supérieur du séminaire, M. Bouvier, le futur évêque. Basile Moreau est ultramontain., comme Prosper Guéranger et quelques autres.  Il regarde vers Rome. D’où premières frictions entre lui et M. Bouvier !

Tous les deux cependant partagent un même souci : relever le niveau des études. M. Bouvier est l’auteur d’un manuel de théologie qui sera adopté dans 60 séminaires. Quant à Basile Moreau, devenu sous-supérieur, il prend deux initiatives assez remarquables : il introduit au séminaire un cours de sciences physiques (qu’il confie à Thomas Cauvin, ancien professeur au Collège de l’Oratoire), et il envoie, à ses frais (probablement en faisant appel à des bienfaiteurs), deux jeunes prêtres étudier en Sorbonne !

Nous savons encore qu’il est très populaire auprès des séminaristes. Beaucoup d’entre eux le choisissent comme directeur spirituel, et plusieurs s’attacheront à lui et le suivront à Sainte-Croix… ce qui ne plaira pas à tout le monde !

C’est également pendant ses années de professorat que se révèlent les dons de Basile Moreau pour la prédication : les curés du diocèse font souvent appel à lui, et ses sermons provoquent de nombreuses et solides conversions.

Enseignement, direction spirituelle, prédication, ne suffisent pas à satisfaire son appétit d’action… Quand l’évêque, Mgr Carron, cherche quelqu’un pour organiser une maison de retraite ou une caisse de retraite pour les prêtres, c’est à Basile Moreau qu’il s’adresse. De même, c’est à lui qu’il demande de recueillir des fonds pour une école du Vieux-Mans tenue par des Frères.

Autre initiative importante à l’actif de Basile Moreau : la fondation du Bon-Pasteur. En 1833, il est amené à s’intéresser à la situation des filles abandonnées et des jeunes prostituées. Pour obtenir le concours des Soeurs de Notre-Dame de Charité, il s’adresse à la supérieure de la maison d’Angers, Mère Marie-Euphrasie Pelletier. Tout commence bien, mais très vite des malentendus surgissent entre les deux futurs saints (Marie-Euphrasie sera canonisée en 1940). Sans entrer dans les détails, on peut renvoyer dos à dos le fondateur et la fondatrice : Marie Euphrasie n’a pas fait preuve de transparence et Basile a manqué de diplomatie ! Il fallut se séparer : avec l’accord des deux évêques, le Bon-Pasteur du Mans sera indépendant du Bon-Pasteurd’Angers. Avec des religieuses venues de Tours et les novices qui se présenteront, l’œuvre  prospérera. Quand, après 25 années de direction, l’abbé Moreau remettra la maison à l’autorité diocésaine, elle comptera 40 religieuses, 150 pénitentes, 35 orphelines. Ajoutons que le Père Moreau confiera aux religieuses du Bon-Pasteur la formation des premières soeurs Marianites .

3. Le Fondateur de Sainte-Croix (1835- 1866)

En 1835, Mgr Bouvier, qui connaît et reconnaît les qualités de Basile Moreau (son ancien élève et son collaborateur au Séminaire) lui demande de prendre la direction d’un petit institut de frères instituteurs, les Frères de Saint Joseph,  que leur fondateur, l’abbé Dujarié, curé de Ruillé, malade et âgé, ne pouvait plus diriger. En même temps, l’évêque l’encourage à mettre sur pied une société de prêtres qui prêcheraient des missions, un des grands moyens mis en oeuvre pour la rechristianisation (la nouvelle évangélisation de l’époque). Basile Moreau rassemble donc à Saint-Vincent quelques prêtres qui, sous le nom de Prêtres Auxiliaires,  seront les premiers Missionnaires diocésains du Mans. (Deux d’entre eux, René Cottereau et Julien Gautier, grands amis de Basile Moreau, seront plus tard à l’origine d’un nouveau groupe de Missionnaires diocésains.)

Le voici donc, en 1835, à la tête de deux groupes disparates et éloignés l’un de l’autre : les prêtres au Mans, les frères à Ruillé. Il faut les rassembler.  Par chance, un chanoine de ses amis lui offre sa propriété de campagne, Notre-Dame de Bel-Air, située sur la commune de Sainte-Croix. (Basile Moreau avait le chic de se trouver des amis généreux, ce qui, par la suite, lui attirera bien des ennuis).Et un certain M.Barré, qui n’était pas son ami, lui propose en location une grande maison voisine. La question du logement résolue, dès l’année suivanteBasile Moreau ouvre un pensionnat où les prêtres et les frères vont pouvoir collaborer, et il a recours à quelques pieuses femmes ou demoiselles pour le service intérieur de la communauté et du pensionnat.

Ainsi est née, tout naturellement est-on tenté de dire, providentiellement dira le fondateur, l’Association de Sainte-Croix,composée de prêtres, de frères et de sœurs . Pour donner à son association, une meilleure cohésion et une plus grande efficacité apostolique, il propose aux prêtres, aux frères, et même aux sœurs , malgré l’opposition de Mgr Bouvier, de faire profession religieuse. Lui-même prononce ses voeux le 15 août 1840.Il est désormais le Père Moreau, le père d’une famille religieuse. Ajoutons que l’arrivée en 1841 d’une jeune fille mayennaise, Léocadie Gascoin,  future Mère Marie des Sept-Douleurs, assurera une base solide à la société des sœurs .

Faire vivre ensemble et faire collaborer des prêtres, des frères et des sœurs  n’est pas une mince affaire ! Le Père Moreau insiste beaucoup sur l’esprit d’union. Il veut que les trois sociétés forment une famille, laFamille de Sainte-Croix.  Il lui donne en modèle la Sainte Famille de Nazareth.

Au pensionnat, malgré l’opposition de Mgr Bouvier, le Père Moreau introduit l’enseignement du grec et du latin. Notre-Dame de Sainte-Croix devient, en 1839, une institution,la première au Mans, fréquentée par les fils des bonnes familles sarthoises. Pour l’éducation, “une oeuvre de résurrection” dit-il, le Père Moreau veut l’excellence : en 1849, il obtient du ministre Falloux le privilège du plein exercice, c’est-à-dire l’autorisation de poursuivre l’enseignement jusqu’à la classe de philosophie. En 1849 : un an avant la loi de la liberté de l’enseignement secondaire.

Dès lors, le renom de Sainte-Croix déborde du diocèse : diverses oeuvres, surtout des écoles et des pensionnats, surgissent enplusieurs régions de France, jusqu’à Paris où s’ouvre dans le quartier des Ternes une institution qui, transportée à Neuilly, prendra le nom de Sainte-Croix de Neuilly. Et du monde entier les évêques demandent des religieux, des religieuses pour des écoles, des orphelinats, des missions. Le Père Moreau fait tout son possible, et même l’impossible, pour répondre au moins à quelques-uns de ces appels. Dès 1840, 3 prêtres et 6 frères sont envoyés en Algérie. En 1841 et 1843, des prêtres, des frères, des sœurs  partent pour les Etats-Unis. En 1847, 15 religieux et religieuses arrivent au Canada. En 1850, à la demande du pape, le Père Moreau conduit lui-même 6 frères pour qu’ils apprennent un métier aux petits vagabonds de Rome. Enfin, en 1852, 3 pères, 3 frères et 3 sœurs  sont envoyés en mission au Bengale. Ainsi donc, avant que la communauté atteigne sa 15ème année, et alors que ses effectifs sont encore très modestes, elle est présente sur 4 continents : l’Europe, l’Afrique, l’Amérique, l’Asie. Le Père Moreau savait communiquer à ses disciples son zèle, son dynamisme, son audace : il faut lire les récits des voyages (des voyages de plusieurs mois !), prendre connaissance des listes des décès (beaucoup sont victimes du choléra, de la fièvre jaune, d’autres périssent dans des naufrages dès leur arrivée), pour prendre la mesure du courage, de l’héroïsme de ces jeunes sarthois et mayennais peu préparés à ces missions lointaines.

Mais revenons au Mans. Le projet de congrégation tripartite et mixte était trop audacieux : l’évêque, Mgr Bouvier, s’y oppose résolument. Il intervient à Rome et il a gain de cause : le pape, Pie IX, impose une dissociation. La congrégation de Sainte-Croix(celle despères et des frères) est approuvée en 1857, et la congrégation des sœurs  Marianites dix ans plus tard.

En même temps que le pensionnat, le Père Moreau avait commencé la construction d’une église qui, en plus du service du pensionnat et des habitants du quartier, devait êtrele cœur  de sa famille religieuse. Mener à bien cette entreprise lui a demandé beaucoup de peine.L’église, Notre-Dame de Sainte-Croix,est consacrée en 1857 : une grandiose cérémonie présidée par le cardinal de Bordeaux, ami du Père Moreau, entouré de 9 évêques, dont celui du Mans, Mgr Nanquette, et de l’abbé de Solesmes, Dom Guéranger (avec quelques moines qui assurent les chants), en présence du préfet de la Sarthe, du maire du Mans, d’un général, et autres personnalités.

4. Le père humilié    (1866-1873)

Cette année 1857, marquée par l’approbation de la congrégation, la consécration de l’église et un voyage en Amérique, était comme un sommet, un Thabor, dans la vie du Père Moreau. Elle est suivie d’une douloureuse période, un chemin de croix! Il est éprouvé par des dissensions à l’intérieur de la communauté, par de graves déboires financiers, et il est accusé de mauvaise administration… Entraînée dans la rapide expansion de la congrégation, la maison mère s’était endettée. Et voilà qu’un économe, celui du collège de Paris, s’engage dans des opérations financières qui tournent très mal. Pour éviter le scandale, le Père Moreau répond de tout, persuadé que les institutions qu’il a créées en France et à l’étranger le soutiendraient. Il s’est trompé. Il est abandonné de tous, ou presque… Au chapitre général de 1860, il présente sa démission de supérieur général. On la refuse, pour continuer à lui faire porter la responsabilité de la débâcle. Ce n’est qu’en 1866 que sa démission est acceptée par le pape.

Pour cette dernière période de la vie du Père Moreau, quelqu’un a proposé d’emprunter à Paul Claudel le titre : Le père humilié. Critiqué, calomnié, il est mis à l’écart de sa congrégation. En 1869, il trouve asile chez deux de ses sœurs   qui vivaient dans une petite maison de la rue Jeanne d’Arc. De là, il assiste à la vente de son collège, de son église, qui sont bradés pour payer les dettes des autres maisons. Seules, ou presque, les Sœurs  Marianites lui sont demeurées fidèles. Dans leur chapelle de l’avenue de Paris, il célèbre le 50ème anniversaire de son ordination, le 12 août 1872.

Cependant, depuis sa démission, malgré une santé qui se dégrade, il a repris son ministère de prêtre auxiliaire, il assure des prédications dans les paroisses… Le 1er janvier 1873, il va visiter le curé d’Yvré l’Evêque, un vieil ami. Pris de malaise, il parvient, à grand peine, à célébrer la messe. On le ramène au Mans.Après 3 semaines de souffrance, il meurt le 20 janvier.

En 1867, le 13 juin, en retraite à la Trappe de Mortagne, il avait rédigé son testament spirituel  : ” Je pardonne de bon cœur  à tous ceux qui m’ont nui dans l’exercice de mon ministère par leurs calomnies, probablement sans mauvaise intention. Je prie Dieu de pardonner à ceux des nôtres qui, sans le savoir, ont paralysé le développement de l’OEuvre  de Sainte-Croix, en recourant à des moyens aussi peu conformes à l’esprit de nos Constitutions et de nos Règles qu’à l’obéissance, à la simplicité, à la vérité et à l’abnégation religieuse. S’ils pouvaient lire dans mon cœur, ils verraient qu’il n’y a rien d’amer, mais indulgence et amour pour tous les membres de la famille…”

Basile Moreau homme de foi, homme d’espérance

En parcourant la vie du Père Moreau, nous avons relevé quelques traits de sa riche et complexe personnalité. Nous avons remarqué d’abord son dynamisme apostolique, puis la manière dont il a vécu ses dernières années, avec une foi et une espérance vraiment héroïques.

Le Père Moreau était un homme de foi. Sa foi se manifestait par une confiance sans limite en la Providence. Dans un sermon de 1845 il s’écriait ” S’il y a un Dieu, il y a par là même une Providence… Dieu est notre Père, nous sommes ses enfants; pourrait-il nous oublier et nous abandonner au hasard ?” Cette profonde conviction ne l’a jamais quitté.Il voyait la main de la Providence en tout ce qui lui arrivait personnellement et en tout ce qui arrivait à sa communauté. Il n’en a jamais douté : Sainte-Croix était l’œuvre  de Dieu, lui-même n’étant, disait-il, qu’un simple instrument.

Deux faits pour illustrer sa confiance en la Providence :

En 1848, Sainte-Croix avait pris en charge un orphelinat à La Nouvelle-Orléans en Louisiane. Cette fondation où l’on vivait dans la misère fut éprouvée par des épidémies de fièvre jaune. Des religieux, des religieuses, des enfants succombèrent. Deux supérieurs envoyés du Mans décédèrent, l’un après l’autre. Un 3ème ne resta que quelques semaines. Un 4ème envoyé de l’Indiana n’arriva jamais à son poste. Au Mans, le conseil général se demandait s’il fallait abandonner cette mission. Chacun des membres du conseil exprima son opinion, puis, après avoir prié de longues minutes, la tête dans les mains, le père Moreau dit simplement : ” Le Bon Dieu nous a tant éprouvés dans cette fondation que je crois qu’il a des vues particulières sur elle. Je suis d’avis de la maintenir. “

En 1852, c’est la Mission du Bengale que, sur la demande du Pape, il accepte de prendre en charge alors qu’il n’a ni sujets, ni ressources suffisantes. Il écrira plus tard : ” On m’a blâmé d’avoir accepté cette mission en répétant que toutes les autres Congrégations l’avaient refusée… A ces reproches, j’ai répondu ce que je répondrai toujours en pareilles circonstances : j’ai pour principe de ne rien refuser, quand tout semble indiquer un dessein de la Providence. “

Son espérance, le Père Moreau laplaçait dans la Croix. “Sainte-Croix” était le nom de la localité où sa famille religieuse avait pris naissance; mais il considérait cette circonstance comme providentielle : il s’est appuyé sur cette appellation pour insister sur l’importance du mystère de la croix dans la vie spirituelle de tout chrétien, à plus forte raison de tout religieux. Au cœur  de sa spiritualité, il y avait cette conviction (héritée de saint Paul et de l’Ecole Française) que nous sommes tous appelés à participer auxmystères de la vie du Christ. Il aimait méditer et répéter la parole de saint Paul : ” Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi”,  sans en omettre les premiers mots : ” Avec le Christ, je suis fixé à la croix” (Gal 2 20).

Le Père Moreau était persuadé que les difficultés, les épreuves rencontrées étaient des participations à la passion, à la croix du Christ, et donc qu’elles étaient des signes de la bénédiction de Dieu. On pourrait multiplier les citations..

” Les afflictions, les revers, l’abandon des amis, les privations en tous genres, les infirmités, la mort même, la malice de chaque jour et les peines de chaque heure, voilà autant de reliques du bois sacré de la vraie Croix qu’il nous faut chérir, vénérer, enchâsser dignement dans l’or d’une charité patiente, résignée, généreuse, qui souffre tout, qui supporte tout, en union avec le divin Maître “. (L.C. 19 juin 1848)

” Quoique les épreuves subies par l’œuvre  de Sainte-Croix aient été aussi cruelles que nombreuses, loin de briser et de détruire par la racine cette plante naissante, elles doivent au contraire l’affermir, la fortifier et la féconder ” (L.C. de 1865).

Je conclus par une dernière parole du Père Moreau. Dans une conférence donnée aux Sœurs du Canada en 1857, il disait en parlant du chemin de croix qui s’impose à tous : ” Que voulez-vous ? il n’y a pas d’autre voie pour arriver au ciel… Suivons donc le chemin que Jésus-Christ nous a tracé, et nous arriverons à la bienheureuse éternité. “

Crédit: Père Jean Proust, c.s.c. et Père Jomon Kalladanthiyil, c.s.c.

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